Avec sa Grande Librairie, François Busnel devient-il l’Amazon de la télé ?

Avec sa Grande Librairie, François Busnel devient-il l’Amazon de la télé ?

Nicolas Gary / actualitte.com

France 5 est très fière : l’émission de François Busnel, La Grande Librairie, a été consacrée émission la plus prescriptrice, pour la vente de livres. L’enquête réalisée par I+C, pour le journal spécialisé Livres Hebdo, a interrogé des libraires, pour déterminer quels médias faisaient entrer les clients en librairie. Moralité, La Grande Librairie est consacrée. Et cela étonne qui ?

Fuente original: Avec sa Grande Librairie, François Busnel devient-il l’Amazon de la télé ? – Les univers du livre.

Photo ©Jean-Philippe Baltel/FTV/SIPA

La chaîne souligne donc que l’émission est « perçue par les libraires et les grandes surfaces culturelles comme l’émission la plus influente commercialement qui attire véritablement les lecteurs en librairie ». Elle serait d’ailleurs en tête par rapport aux autres émissions TV qui parlent des livres.

Champagne, mais gare aux bulles

« La Grande Librairie est l’émission de télévision qui fait vendre le plus de livres. Le programme de France 5, diffusé tous les jeudis soir à 20.35 et présenté par François Busnel est cité par 72 % des professionnels interrogés », poursuit France 5. Et François Busnel de remercier libraires et éditeurs qui le soutiennent dans sa démarche : « De tels résultats ne seraient pas possibles sans la relation de confiance qui s’est construite », affirme l’animateur.

Le top 3 établi par l’étude est alors le suivant : Grande librairie 72 %, Télé-matin 22 %, On n’est pas couché 14 % (plus souvent évoqué par les clients venant en hypermarchés). Mais on compte aujourd’hui dans le PAF quelques autres émissions :

  • Un livre un jour, lancé en septembre 1991, animée par Olivier Barrot (France 3) – à rapprocher de Dans quelle éta-gère, sur France 2, présenté par Monique Atlan
  • Bibliothèque Médicis, sur Public Sénat (mais est-ce vraiment une émission ?)
  • Au Field de la nuit, de Michel Field, qui sévit sur TF1 depuis octobre 2008 – mais qui est plus justement présentée comme une émission culturelle
  • Ça balance à Paris, que diffuse Paris Première depuis septembre 2004
  • La Cité du livre, sur La chaîne parlementaire (voir Bibliothèque Médicis…)

L’étude réalisée évoque également Le grand journal, Michel Drucker (devenu une émission à lui tout seul…) ou encore Télé-matin, Le magazine de la santé ou C à vous. Mais ces différentes émissions ne sont pas véritablement autre chose que de la variété, du divertissement. C’est très bien, mais pas vraiment dédié au livre. Ainsi, en opèrant le tri avec un minimum de sérieux, seule La Grande Librairie se démarque auprès du grand public comme émission réellement dédiée aux livres. Et toute forme de concurrence s’est progressivement réduite comme peau de chagrin.

Blacklisté par Busnel, «le cauchemar absolu» (déjà en 2012) !

En se référant à une enquête de Marianne, datée de 2012, mais toujours d’actualité, l’édition française va relativiser la grande victoire. Un éditeur interrogé expliquait : « La télévision a un pouvoir énorme : elle fait vendre des livres alors que le secteur est en crise. Aucune maison d’édition ne prendra le risque de se fâcher avec un présentateur ou un producteur. Être blacklisté par François Busnel, qui anime “La grande librairie”, ou Catherine Barma, qui produit “On n’est pas couché”, c’est le cauchemar absolu ! »

Un cauchemar qui ressemble à celui déjà éprouvé par l’édition : assister à la constitution d’un canal de vente unique pour les livres, celui d’Amazon. Et d’endurer de rudes négociations commerciales avec le cybervendeur, fort d’une position dominante.

Il va falloir user de mille séductions « pour s’assurer les bonnes grâces de la production », nous confie une chargée de communication. « Cela n’a jamais été évident, mais, bien entendu, ça conforte la prod dans une sorte de mainmise. Et on n’avait pas besoin de cela. » C’est que l’homme qui incarne l’émission n’a pas forcément bonne presse, justement dans les rangs des services du même nom, chez les éditeurs. « Cela n’empêche pas l’émission d’être sérieuse, mais… c’est compliqué les relations avec lui. » On ne retiendra que le sérieux, sans prendre en compte que des animateurs du service public puissent erratiquement «blacklister» des invités potentiels.

Dans les librairies, un autre discours

Mais que signifie qu’un média soit influent ? « En fait il y a deux types de clients “influençables” : ceux qui viennent chercher dont ils ont entendu parler dans les médias (presse/tv/radio/web) et ceux qui comptent sur nous pour leur conseiller le livre qu’ils ont envie de lire sans le connaître », explique un libraire francilien.

« Les premiers viennent avec des références très imprécises et cela se termine par une enquête sur le site du média prescripteur ; avec les seconds c’est un échange qui permet de déterminer le livre qui leur plaira… » Et d’ajouter, avec un sourire : « Cela dit, c’est logique que les médias se rengorgent de leur pouvoir d’influence. »

Tiré de Videodrome, de David Cronenberg

La réalité, aujourd’hui, c’est qu’internet peut accorder, visuellement, bien plus de place que la télévision n’a jamais pu le faire, à la littérature. Que l’on apprécie, ou non, les booktubers sont légion de nos jours à vanter les qualités d’un livre qu’ils ont aimé. Éric Naulleau, cité par l’AFP, et pourtant animateur d’une émission, l’avait clairement dit : « À la télévision, le livre est partout, et la littérature quasiment nulle part. […] Une émission de bricolage peut fort bien inviter un écrivain. »

À quand une émission, réunissant l’ensemble des booktubers pour des chroniques ?

Le roman, de toute manière privilégié

Ce qu’il faut également noter, comme on peut le lire dans l’étude (article sous abonnement), c’est que l’on en finit par enfoncer des portes ouvertes. Il suffit d’imaginer le nombre de téléspectateurs disponibles, et le confronter aux auditeurs de radio ou lecteurs de presse web ou imprimée, pour s’imaginer facilement où la balance penche.

D’ailleurs, pour l’ensemble des médias concernés (radio, télé, print ou web) c’est de toute manière le roman qui profite le plus de la mise en avant, devant les essais et documents d’actualité et les ouvrages jeunesse. Et, pour l’anecdote, l’influence des différents médias pour les dictionnaires et encyclopédie est globalement nulle pour près de 50 % des répondants.

Quant à lire que, selon les libraires, grandes surfaces culturelles, etc., la télévision est le plus grand influenceur pour la vente de livres, devant les magazines féminins (51 % contre 43 %), voilà certainement un signe des temps. La radio arrive à 37 % et les magazines culturels à 16 %. Les blogs et la presse web sont en revanche en véritable déclin, perdant 16 et 17 % de popularité.

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