Nielsen décortique la "crise" du livre dans l'hémisphère Nord

Nielsen décortique la «crise» du livre dans l’hémisphère Nord.

Antoine Oury, London Book Fair 2014 actualitte.com

Les libraires d’Europe et du monde se retrouvaient à la Foire de Londres, et plus particulièrement aux rencontres interprofessionnelles organisées par l’European and International Booksellers Federation. L’institut d’étude et d’information des médias Nielsen en a profité pour faire un point sur le marché du livre, à l’aide de quelques chiffres inédits.

Les chiffres ont été collectés par Nielsen, à partir de son outil BookScan, qui suit les ventes de livres papier dans un dizaine de pays, mais aussi des classements du Wall Street Journal, sans oublier, bien entendu, des sondages réalisés pour l’occasion, auprès d’un public de lecteurs.

L’« examen de confiance » proposé par Nielsen en ouverture de son rapport « International Book Market Overview » annonce la couleur : la quasi-totalité des pays européens est sous la barre de l’indice 100, chiffre médian. La France est ainsi située à l’indice 51, avec un recul de 10 points par rapport au troisième trimestre 2013. D’autres marchés du livre industrialisés, comme ceux du Royaume-Uni (85) ou des États-Unis (94), sont eux aussi en déclin.

En Europe, seuls les pays balkaniques et d’Europe de l’Est enregistrent une hausse de confiance dans les capacités du marché : Hongrie, Ukraine, Slovaquie, Pologne, Estonie, Lituanie sont ainsi les quelques exceptions au sentiment de crise qui domine dans l’hémisphère nord. Les pays asiatiques, à l’opposé, occupent le haut du classement : Indonésie, Inde, Philippinnes, Chine et Émirats Arabes Unis sont en tête, oscillant entre 124 et 110 en guise d’indice de confiance.

Crise de confiance et recul des ventes

Les ventes en volume des pays où l’indice de confiance est en déclin sont évidemment à la traîne par rapport à l’année précédente : tous les genres sont en déclin en Nouvelle-Zélande, Australie, États-Unis, Royaume-Uni, Irlande, Espagne, Italie. Le contraste avec l’Inde est frappant, dans ses résultats détaillés, puisqu’il est le seul pays à bénéficier d’une croissance, cette fois aussi dans tous les genres.

À l’image du Royaume-Uni, les ventes en volume semblent en recul constant depuis au moins 5 ans, et les ouvrages classés en « non-fiction » bénéficient généralement de ventes plus importantes que la fiction. Toutefois, malgré cette tendance à la baisse, les ventes de livres « Hardback », sorte d’équivalent de notre grand format, restent constantes. Selon le verdict de Nielsen, les biographies, qui représentent toujours le secteur le plus important des ventes, cartes, atlas et guides de voyage sont les plus touchés par ce recul des ventes.

UK/US : la fiction en numérique, le reste en papier

Les résultats détaillés de Nielsen pour les deux territoires anglophones sont formels, et confirment des hypothèses longtemps avancées : les ouvrages de fiction semblent être particulièrement plébiscités par les lecteurs en numérique. Ainsi, la fiction occupe 53,8 % des ventes totales de livres numériques, contre 36 % des ventes totales de livres papier, aux États-Unis. À l’inverse, les ouvrages « non-fiction » représentent 43 % des ventes de livres papier, contre 31,7 % des ventes de livres numériques, en septembre 2013.

Les ouvrages jeunesse sont plus nuancés, et représentent 14,5 % des ventes de livres numériques, contre 21 % des ventes de livres papier, en septembre 2013, aux États-Unis. Dans les deux territoires, les lecteurs de livres numériques représentent désormais un peu plus de 20 % des lecteurs, 23,6 % aux États-Unis, et 22 % au Royaume-Uni.

Les classements des meilleures ventes fournis par Nielsen, sur la période 2012-2013 pour les États-Unis, et depuis 2011 pour le Royaume-Uni, sont confondants, puisqu’ils font tout deux apparaître les trois tomes de Fifty Shades en tête, sans oublier l’autre trilogie, Hunger Games, qui occupent à eux deux la moitié du top 10 des ventes, en numérique comme en papier.

Qui achète, et où ?

Un peu plus de surprises sont à retrouver du côté des usages : aux États-Unis, l’appareil le plus utilisé par les acheteurs de livres numériques est le smartphone (55 %), devant la tablette (42 %) et le lecteur ebook (22 %). Le taux d’équipement de ces derniers est par ailleurs constant entre janvier 2012 et septembre 2013, sans déclin ni hausse particulière.

Enfin, des données britanniques permettent de déterminer où sont achetés les livres, selon leur format. Les livres numériques sont, d’une manière écrasante, achetés auprès de boutiques en ligne (95 %), ne laissant que 2 % du marché aux librairies physiques. Supermarchés, ventes directes et magasins non spécialisés se partagent le reste du volume des ventes.

Les volumes de ventes de livre papier, tout comme celles de livres numériques, n’ont que peu évolué dans leur répartition entre 2012 et 2013 : les librairies sont toujours privilégiées (42 %), devant les boutiques en ligne (32 %, + 1 point par rapport à 2012), les supermarchés (14 %), boutiques non spécialisées (8 %) et les ventes directes (4 %).

Pour conclure sur une note alarmiste, Nielsen est formel : « Le marché perd peu à peu les jeunes, au profit d’autres formes de loisir ». Le livre numérique n’est pas le support de lecture des adolescents, comme une analyse rapide aurait pu le laisser croire. 41 % des « jeunes » américains, sans que la tranche d’âge ne soit précisée, ont déclaré ne pas lire pour le plaisir, cet automne 2013.

Les marchés du livre papier « arrivés à maturité », explique Nielsen, sont en déclin, mais le livre numérique ne semble pas plus susciter l’intérêt des classes d’âge les plus jeunes. Problème de politique publique ou simple effet générationnel, l’avenir le dira…

 

photo Oury Antoine

Rédacteur en chef adjoint. Créateur du Juke-Books littéraire. Sensible aux questions sociales. A l’écoute sur http://www.coupdoreille.fr

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